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Pienso que tus versos son flores que llenan tierras y tierras / Je pense que tes vers sont des fleurs qui remplissent les terres et les terres

Matériaux: bois, jute, faïence, eau
Dimensions variables
MacLYON, Musée d’art contemporain de Lyon
2019

Installation exposée dans le cadre de Là où les eaux se mêlent, 15e Biennale de Lyon, Musée d’art contemporain, Lyon, France
18.09.2019 – 05.01.2020

Les installations de Jenny Feal traduisent sous des formes poétiques, parfois symboliques et parfois documentaires son expérience personnelle de l’histoire de Cuba, afin de témoigner des conditions d’existence et de la fragilité d’un quotidien conditionné par le régime politique d’un pays grippé entre l’idéologie et la réalité. En orchestrant une situation figée entre un passé fantasmé et un exil brutal douloureux, Jenny Feal propose une installation immersive qui combine différents modes de narration, oscillant entre récit historique et fiction nourrie par son expérience personnelle et le pouvoir du rêve. Agressés par la terre qui symbolise à la fois la vie et la mort, des murs teintés d’ocre rouge témoignent d’une violence historique, symbolique, politique et sociale exprimée par les pages d’un livre que l’on ne peut lire, tandis que, ça et là, des objets du quotidien participent d’un récit énigmatique.

Jenny Feal construit par touches et traces discrètes la scène d’un crime dont les acteurs principaux semblent être la mort et l’absence. Élément récurrent de son travail, le livre, entre journal intime et livre d’histoire, trahit par ailleurs des considérations historiques et sociales marquées par la censure et l’autocensure, le désir de liberté et le besoin de créer une histoire intuitive et sans mot. Dépossédée du langage, la poésie célèbre une liberté exprimée sous la forme d’une sensation incarnée par un livre saisie dans sa chute et traversée par la lumière. Jenny Feal façonne son propre paysage, qui n’est pas seulement celui qui se déroule devant nos yeux mais celui que l’on invente. Les traces de terre au mur sont issues d’un processus de dépose et de retrait, qui rappellent à l’artiste les murs des prisons. Poésie de la trace que l’on laisse sur un obstacle, qui marque la limite de sa liberté, physique ou mentale.

Matthieu Lelièvre & l’Equipe curatoriale de la Biennale de Lyon

 

L’installation de Jenny Feal est présentée dans une seule et même pièce du premier étage du MAC Lyon. Elle est composée de trois éléments distincts. Au centre est installé une grand livre ouvert et retourné comme une toile de tente, dont les pages vides ne sont pas en papier mais en toile de jutes. Le mur de droite est entièrement recouvert d’une fresque en argile rouge, qui se dérobe par des portes coulissantes en bois non manipulables, empêchant le public de la contempler dans son ensemble. L’artiste a dessiné en enlevant de la matière, laissant donc apparaître des traces blanches sur le fond rouge, ainsi qu’une fleur-papillon, « Mariposa » sur la droite, accompagnée d’un grand vase brisé posé sur le sol.

(…) Le titre en espagnol peut se traduire comme « Je pense que tes vers sont des fleurs qui remplissent des terres et des terres ». Il est tiré d’un poème écrit par l’artiste. (…) L’artiste a entretenu une relation épistolaire, principalement composée de poèmes, avec son grand-père qu’elle imaginait habiter aux États-Unis. Elle découvrira après sa mort qu’il était en réalité prisonnier politique à Cuba pendant 17 ans, puis exilé aux États Unis. Emprisonné à cause de ses écrits, il n’évoquera jamais sa captivité dans les lettres et les poèmes envoyés à sa petite fille. L’artiste se rapproprie son histoire familiale en invitant les visiteurs à déambuler dans cette installation.

Au centre, le livre aux pages blanches semble vomir de l’argile. Il représente un carnet de poèmes écrits par son grand-père. Dans ce carnet de poésies et journal intime, contraint par la censure et l’autocensure, les pages sont blanches et ne racontent aucune histoire. La personne manquante, au centre de la famille semble donc s’être volatilisé, laissant tomber un livre à l’échelle démesurée qui le mène à sa perte (…).

Les installations de Jenny Feal fonctionnent donc comme des narrations, des récits dans lesquels elle mélange son histoire personnelle et l’Histoire universelle de la guerre, de l’oppression et de l’exil. Comme dans la famille de l’artiste des morceaux sont manquants, le visiteur ne peut apercevoir la fresque en entier à cause des portes coulissantes, les pages du livre sont blanches et l’histoire racontée est incomplète. Le mur de droite est arrondi, rappelant que quelles que soient les histoires vécues par les hommes, la terre continue de tourner.

Par Lisa Emprin @ Biennale de Lyon

Jenny Feal, Pienso que tus versos son flores que llenan tierras y tierras. Détail de l’installation, carnet de poésie en chute, 2019. Courtesy de l’artiste et de la Biennale de Lyon 2019. © Blaise Adilon

Jenny Feal, Pienso que tus versos son flores que llenan tierras y tierras, 2019. Courtesy de l’artiste et de la Biennale de Lyon 2019. © Blaise Adilon

Jenny Feal, Pienso que tus versos son flores que llenan tierras y tierras, 2019. Courtesy de l’artiste et de la Biennale de Lyon 2019. © Sara Alonso

Jenny Feal, Pienso que tus versos son flores que llenan tierras y tierras, 2019. Courtesy de l’artiste et de la Biennale de Lyon 2019. © Sara Alonso

Détail de l’installation, toile de jute, bois massif, argile. © Blaise Adilon

Jenny Feal, Pienso que tus versos son flores que llenan tierras y tierras, 2019. Courtesy de l’artiste et de la Biennale de Lyon 2019. © Blandine Soulage

Jenny Feal, Pienso que tus versos son flores que llenan tierras y tierras, 2019. Courtesy de l’artiste et de la Biennale de Lyon 2019. © Blandine Soulage

Avec le précieux soutien de: Artesylve, Fonds de Dotation Buchet Ponsoye, Biennale de Lyon, Galerie Dohyang Lee, Fonds de Dotation Thibault Poutrel, Fondation Brownstone, Monsieur Frédéric Lorin, Monsieur Gilles Blanckaert-Alizée, Monsieur Roger Herrera Gutierrez, Association ARTICHOK, Libraire et Galerie Michel Descours.

Avec le concours de: Artesylve.

Avec l’aide de: Association Passerelles Buissonnières.